Violences sexuelles : "comment je me suis reconstruite"
Abusée sexuellement à l'âge de 12 ans, Laurie (du compte Instagram @popotinandco) nous livre ses difficultés et le cheminement de sa sexualité jusqu'à sa rencontre avec un sextoy.
"La découverte de la sexualité pour moi se fait de manière forcée et non consentie"
Je m’appelle Laurie j’ai 35 ans, je suis maman de 2 enfants, qui ont 5 ans et 7 mois et j’ai eu envie de raconter ma vie à Lucie (la fondatrice de Bouche Bée), du moins, la partie de ma vie qui concerne ma sexualité. J’ai découvert Bouche Bée sur Instagram via une publication du compte de Puissante et j’ai joué les curieuses sur le concept store. Forcément si j’ai eu 2 enfants j’ai eu au moins 2 relations sexuelles consenties avec le père de mes enfants et du coup j’estime avoir quelques notions en la matière. Blague à part (ou pas à vous de voir) la sexualité est un domaine qui m’est familier depuis l’enfance sans pour autant que j’en maîtrise vraiment les codes.
Victime de violences sexuelles à l’âge de 12 ans je vais très vite avoir un rapport biaisé avec le sexe et tout ce qui l’entoure. La découverte de la sexualité pour moi se fait donc de manière forcée et non consentie et ça va détruire une partie de moi que je ne vais pas reconstruire tout de suite. Dans un premier temps mon rapport au corps va changer, je vais me sentir salie, humiliée et ce qui découle de tout ça va être un rejet total de ma morphologie que je vais considérer comme moche.
"Inconsciemment mon passé me rattrape et je ne parviens pas réellement à prendre du plaisir"
Quelques années plus tard je vais découvrir le désir, l’excitation sexuelle et les sensations qui l’accompagne. En gros vers 13 ou 14 ans. A cette époque la chaîne de télévision M6 diffuse tardivement le dimanche soir des films érotiques interdits au moins de 16 ans et en cachette j’adore littéralement les regarder. C’est souvent kitsch à souhait et les scénarios n’ont pas grand intérêt mais ça éveille en moi des sensations hyper agréables et intéressantes. Ces fameuses sensations me donnent envie une fois que je file discrètement dans mon lit de toucher mon intimité. Mais inconsciemment mon passé me rattrape et je ne parviens pas réellement à prendre du plaisir. Il y a quelque chose qui ne se connecte pas. Je ne veux pas regarder en face ma vulve, même encore maintenant j’en suis incapable, et je n’aime pas le contact de mes doigts dans mon vagin. Alors forcément après les sensations agréables je découvre la frustration, youhou ! Cette espèce de sentiment de truc pas fini, non achevé.
Très vite après les films érotiques j’ai envie de quelque de plus fort en termes d’actes sexuels. C’est bien beau de montrer un nichon ou une toise pubienne mais ça ne me satisfait pas alors direction les films pornos. Là tout de suite c’est autre chose. Au début ça me choque vraiment, je trouve ça même dégoûtant et puis je vais vite m’en inspirer dans mon imaginaire. Je découvre à ce moment là que
j’aime énormément me faire mes propres scénarios dans ma tête blottie sous la couette, une main dans la culotte. Mais très vite je suis bloquée car ce contact entre ma vulve et mes mains ne me plait pas du tout et je sens bien que cette façon de procéder ne me convient pas alors je me penche vers des objets qui pourraient faire l’affaire comme on dit. Manche de brosses à cheveux, bombes de déodorant, petites bouteilles d’eau bref tout ce qui s’y prête y passe. Mais encore une fois je ne suis pas ultra convaincue. Alors c’est un peu dans ce contexte que je vais avoir ma première relation sexuelle consentie et pour être franche c’est pas un truc de ouf.
"Dans ma représentation personnelle de la sexualité je ne m’autorise pas moi à prendre du plaisir"
Ce n’est pas mon partenaire qui est à remettre en question car il découvre comme moi cet acte mais disons que ça ne me transporte pas de plaisir. En revanche dans ma tête c’est plutôt fun et j’ai très envie de recommencer encore et encore. Ce qui va d’ailleurs être mon mantra pendant des années et qui va me conduire à avoir des comportements à risques en matière de sexualité. Je vais enchaîner les partenaires sexuels car dans mon idée c’est la seule façon d’être aimée. Je ne crois pourtant pas vraiment à l’amour à ce moment-là. Issue d’un schéma familiale très conflictuel et nauséabond je n’ai aucunement l’intention de fonder ma propre famille. Mais j’ai cette envie indescriptible d’être désirée.
Je vais découvrir bien plus tard, à la trentaine, que le trauma dont j’ai été victime est la cause de tous ces comportements à risques. A l’époque je l’ignore totalement puisque j’ai bien sagement rangé cette partie de ma vie dans une boite qui elle-même se trouve dans un coffre-fort scellé de mon cerveau.
Back to la vingtaine et la cavalcade incessante vers une sexualité ultra débridée. A cette période là de ma vie je n’ai absolument aucune connaissance de mon anatomie génitale. Je sais que ça me sert à faire pipi, que quelque part doit y avoir un truc qu’on appelle clitoris et ça s’arrête là. Je ne nourris pas l’envie de découvrir cette anatomie qui par le passé m’a traumatisé. On est pour ainsi dire en colocation. D'ailleurs ce que je préfère dans la sexualité c’est toute la phase de séduction, d’appréhension de l’autre, d’excitation qui monte mais une fois dans le vif du sujet je ne m’éclate pas vraiment. Manque de confiance en moi, impossibilité à lâcher prise, peur du regard de l’autre sont autant de facteurs qui rendent le sexe très bof à mon sens.
Autre petit hic issu des violences sexuelles subies c’est l’impossibilité à prendre du plaisir de manière délibérée. C’est-à-dire qu’ayant découvert la sexualité de manière forcée je vais mettre en place ce schéma dans quasi tous mes rapports sexuels. J’affectionne la violence et la soumission extrême. Bien que n’y trouvant absolument aucun plaisir. Je fais ça assez inconsciemment pour faire plaisir à l’autre. Car dans ma représentation personnelle de la sexualité je ne m’autorise pas moi à prendre du plaisir. C’est assez complexe à expliquer mais à cette période il faut bien assimiler que je n’ai absolument pas conscience de tout ça. Ce n’est que très récemment que j’ai pu analyser tous mes comportements à ce sujet lorsque je découvre qu’à 32 ans je ne sais même pas situer mon clitoris et encore moins m’en servir.
"Et là, surprise ultime ! Mon clitoris se réveille sous les pulsations"
C’est avec Instagram que je vais me rendre compte que je n’ai aucune connaissance sur ma propre sexualité et ce qui me plait. Pourtant en couple depuis l’âge de 23 ans je ne me suis jamais réellement posé la question. Je pratique régulièrement l’acte sexuel pénétratif avec mon amoureux
et lorsque je le rencontre je suis encore dans cette logique perverse et traumatique d’une sexualité qui ne doit pas m’appartenir. Mon mec est ce qu’on peut qualifier de parfait sexuellement puisque toujours à l’écoute de mon consentement mais à vrai dire je ne vois pas vraiment l’intérêt. Je suis souvent à l’initiative des relations sexuelles et encore une fois j’aime le contexte violent et très sauvage. Lorsque j’accouche de mon premier enfant, mon conjoint, sage-femme de sa profession, reprend ses études afin d’être diplômé en étude de la sexualité humaine. Vont suivre 3 années de formation durant lesquelles je vais découvrir beaucoup de choses puisque c’est avec curiosité que j’aide Monsieur dans ses révisions et rédaction de son mémoire. C’est à peu près au même moment que je découvre l’existence de mon clitoris, aidée par mon conjoint, mais je peine réellement à le trouver toute seule et encore moins à m’en servir utilement. Alors, de nature plutôt curieuse, je vais essayer de me documenter. Et comme à cette période je découvre la multitude de contenus proposés par Instagram je m’oriente naturellement vers ce réseau. Je vais être un peu déçue parce qu’à l’époque je ne maîtrise pas bien l’application et je ne trouve pas grand-chose. Remettons les pendules à l’heure ; à ce moment précis nous sommes en 2018 et je crois qu’il n’y a pas eu de grand boum niveau contenus d’informations sexuelles. Mais je vais découvrir Jouissance Club ! Le livre traîne depuis quelques semaines chez nous (car chéri en a besoin pour ses études) et je commence à le feuilleter avec intérêt ! Sauf qu’encore une fois je me heurte à mon manque de connaissance et de pratique en la matière et je suis déçue car peu de sensations agréables.
Il va falloir attendre 2020 et l’arrivée de Puissante avec son emblématique Coco pour qu’enfin les portes du plaisir s’ouvrent à moi ! C’est totalement par hasard que je tombe sur le compte Instagram de Marie Comacle au moment où elle lance sa campagne de crowdfouding Ulule pour lever des fonds et lancer la production de son sextoy. Je participe à cette campagne et en mai 2020 je
reçois mon Coco et son lubrifiant. C’est mon premier jouet vibrant et aspirant. Je lis consciencieusement la petite notice livrée avec et une fois sa batterie chargée je n’ai qu’une hâte : l’essayer !
Et là, surprise ultime ! Mon clitoris se réveille sous les pulsations du toy. Les sensations sont immédiates : c’est le méga kiffe ! Comment ai-je pu attendre d’avoir 33 ans pour connaitre ce bonheur ??! Je me le demande encore.
Aujourd’hui Coco a intégré de manière pérenne ma vie sexuelle. Toute seule il me permet de découvrir encore des sensations et des endroits de plaisir ; et dans mon couple il nous unit plus que jamais puisque mon mec l'a accepté sans soucis dans nos ébats.
"Je ne serai jamais guérit, c’est combat de tous les jours. Mais je suis en paix."
A 35 ans, je réussis enfin à jouir solo et en couple grâce à la connaissance de mon intimité mais aussi au lâcher prise que je peux à présent mettre en place. Je n’aurai pas pu atteindre ce niveau de bien être sans la thérapie psychiatrique qu’il a fallu mettre en place pour guérir de mon traumatisme et pouvoir ainsi me reconstruire. D’ailleurs je ne serai jamais guérit, c’est combat de tous les jours. Mais je suis en paix aujourd’hui avec mon passé et je ne suis qu’au début de ma vie sexuelle dont je compte bien profiter à fond les ballons. Je ne pourrai pas réécrire mon histoire et je dois vivre avec mais j’ai la chance d’être bien entourée dans ma vie personnelle ce qui me permets d’avancer
sereinement.
Une chose est sûre et acquise à ce jour c’est que ma sexualité est plus que jamais épanouie et fait partie intégrante de mon bien-être. Comme quoi, il n’est jamais trop tard !
Laurie